Il est bien loin le temps où la bande dessinée était considérée
comme un art mineur, une lecture de bien moindre valeur qu'un classique de la
littérature ou d'un ouvrage documentaire traitant d'un sujet avec sérieux.
Pourtant, il reste toujours des lecteurs qui ne sont pas convaincus que lire
une BD n'est pas une occupation futile, du temps perdu, volé sur celui d'une
lecture plus "noble", ignorant que le 9ème art a considérablement
évolué depuis les "illustrés" d'autrefois et que, depuis au moins une
quarantaine d'années, les auteurs de BD n'ont cessé de construire des univers
complexes et/ou poétiques, des récits édifiants, et de traiter de sujets
sérieux ou d'événements historiques avec un talent indéniable et un souci
d'authenticité digne des documentaristes du monde cinématographique.
Depuis Maüs d'Art Spiegelman qui traite aussi
brillamment de la Shoah que les films qui y sont consacrés, et qui a démontré
que des personnages de papier incarnant les témoins d'une tragédie pouvaient
transcrire et inspirer des émotions tout aussi bien que les êtres de chair
et d'os qu'ils représentent, on ne compte plus les bandes dessinées consacrées
aux conflits armés qui ont jalonné l'histoire de l'humanité. On peut citer
bien évidemment les albums de Jacques Tardi, notamment C'était la guerre des tranchées, mais aussi Gorazde de Joe Sacco, La Guerre d’Alan d’Emmanuel Guibert et tant d’autres encore. Ces quatre
ouvrages cités sont des œuvres documentaires, des transcriptions de témoignages
recueillis. Il n’en va pas de même pour Notre Mère la guerre qui est une enquête policière se déroulant dans le contexte
de la Grande guerre. Nous sommes donc davantage ici en présence de l’équivalent
d’un roman historique : les personnages sont fictifs, l’intrigue sort tout
droit de l’imagination des auteurs. Pourtant, la guerre en est bien le sujet
principal et elle est traitée avec une puissance et une authenticité qui prouve
que ceux-ci se sont particulièrement documentés et ont su s’immerger avec
sensibilité et lucidité dans cette terrible époque et dans la peau de ceux qui
l’ont vécue. Le lecteur en ressort frappé, ému et transpercé des mêmes doutes
sur la nature humaine que les poilus qu’il a côtoyés de page en page, de case
en case. Une série en quatre volumes qui appartient déjà aux classiques.
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