« Certaines d'entre nous n'avaient mangé toute leur vie
durant que du gruau de riz et leurs jambes étaient arquées, certaines n'avaient
que quatorze ans et c'étaient encore des petites filles. Certaines venaient de
la ville et portaient d'élégants vêtements. (…) Certaines descendaient des
montagnes et n'avaient jamais vu la mer. » Ces mots tirés de l’excellent
livre de Julie Otsuka, Bénédicte Bianchin les a prononcés avec tout son talent
de comédienne mercredi 30 janvier à la Médiathèque George Sand, dans le cadre
des « Mille lectures d'hiver ». Devant un public réceptif, elle en a
lu plusieurs extraits qui ont marqué son auditoire de par la sensibilité toute
en retenue qui se dégage de l’ouvrage de l’écrivaine américaine d’origine
japonaise.
Narrant l’expérience douloureuse de ces femmes qui, entre
les deux guerres, ont traversé l’océan pour rejoindre des fiancés dont elles ne
connaissaient que des lettres et une photographie flatteuses, bien éloignées de
la vérité, Julie Otsuka aborde également dans son ouvrage le sujet méconnu de
la condition des immigrés japonais aux Etats-Unis après l’attaque de Pearl Harbor.
Les auditeurs ont été frappés par le style à la fois épuré et précis de la lauréate du prix Femina
étranger 2012
et le contraste entre son ton qui évite le pathos et la gravité des faits
relatés. « Certaines n'avaient jamais vu la mer », dont le choix fut avisé, rappelle à ses lecteurs à quel point les
épreuves des femmes concernées étaient difficiles et interpelle sur la tendance
qu’ont les nations à rejeter et maltraiter leurs minorités en temps de crise et
de guerre, en particulier quand celles-ci ont un lien d’origine avec l’ennemi
et quel que soit leur degré d’intégration.
Nous attendons avec impatience la prochaine « lecture d’hiver »
proposée par les Amis de la Médiathèque George Sand en partenariat avec la
Région Centre et la ville de Lucé. Celle-ci aura lieu au Centre Social Robert Doisneau le 6, 20 ou 27 mars (la date retenue sera précisée ultérieurement).
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